Dr Emmanuel BENSIGNOR
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Connaître la peau

La peau, reflet de la santé?

La peau est le plus grand organe du corps. Elle représente environ 12 pour cent du poids vif chez un chien adulte en bonne santé et 24 pour cent chez un chiot nouveau-né. Chez le chien, la peau est presque entièrement recouverte de poils, sauf au niveau de certaines zones particulières que sont la truffe et les coussinets, et au niveau des jonctions avec les muqueuses (bouche, œil, etc...).
La peau et le pelage sont avant tout une enveloppe extérieure, qui entoure l’organisme, et qui est le reflet, le "miroir", de la santé. Il s’agit d’un organe complexe, composé de plusieurs couches. La plus superficielle s’appelle l’épiderme, est peu épaisse, et assure un rôle de protection vis à vis des agressions qui proviennent du milieu environnant. Sous l’épiderme se trouve le derme, structure constituée de fibres et d’une substance amorphe dans laquelle sont localisées diverses cellules. Enfin une troisième couche, l’hypoderme, se situe plus en profondeur, et constitue un support pour les deux premières strates.
Ces trois couches ont des inter-relations fondamentales. Elles seront abordées séparément pour des raisons de clarté.

Les couches superficielles et les annexes

L'épiderme

La couche la plus superficielle de la peau, l’épiderme, est une couche très peu épaisse. En effet, elle mesure en moyenne dans les zones poilues de 30 à 95 micromètres, c'est à dire moins d'un dixième de millimètre! Cette épaisseur est beaucoup plus faible chez le chien que chez l'homme. L'épiderme est cependant épais dans les zones non velues comme la truffe et les coussinets. Il est constitué de plusieurs types de cellules. Les plus nombreuses sont appelées les kératinocytes. Ces cellules reposent sur une membrane qui les sépare de la couche sous-jacente, le derme. Les kératinocytes servent de bouclier de protection. Ils se multiplient et se transforment, et ils migrent en permanence depuis la profondeur jusqu’à la surface, où ils meurent en s'exfoliant. La peau est donc en renouvellement permanent, il s’agit d’un organe vivant. On distingue chez le chien 4 couches de cellules: la couche basale, la plus profonde, juste au dessus la couche épineuse, puis la couche granuleuse et enfin la couche cornée, la plus superficielle et la plus épaisse. Les cellules cornées, situées à la surface, sont en permanence éliminées dans le milieu extérieur. Elles sont constamment remplacées par des cellules provenant de la profondeur, un peu à la manière d’un escalier roulant, ce qui assure une épaisseur constante à la peau. Ce phénomène est normal. Chez un chien en bonne santé, il faut 21 à 28 jours pour qu’une cellule née dans la couche basale soit éliminée dans l'environnement par desquamation. Ce phénomène peut être anormalement accéléré lors de certaines maladies, ce qui conduit alors à la formation de squames visibles, communément appelées pellicules.
L’empilement des cellules de l'épiderme est très dense. Ceci permet une excellente protection contre les agents agresseurs présents dans notre environnement. Aux niveaux profonds, les cellules de l'épiderme sont très adhérentes les unes aux autres grâce à des structures particulières, appelées desmosomes, qui agissent à la manière de boutons pression. Dans les couches les plus superficielles, les cellules sont liées entre elles par un ciment intercellulaire (un peu à la manière des briques d’un mur, collées par du ciment) constitué majoritairement de corps gras, les lipides.
Ces dernières années, de nombreux travaux de recherche ont montré que les kératinocytes n’étaient pas seulement des cellules boucliers. Ils participent également activement à la production de substances variées, qui jouent un rôle dans la cicatrisation et la défense de l’organisme contre les agents infectieux ou les agresseurs extérieurs.

D’autres cellules particulières sont présentes dans l’épiderme: sans les détailler, mentionnons les cellules de Langerhans (du nom du médecin allemand qui les a découvertes), qui ont un rôle dans la réponse immunitaire car elles reconnaissent les agents pathogènes qui agressent la peau, les cellules de Merkel, qui agissent comme des récepteurs nerveux et jouent un rôle important dans la sensation tactile, et les mélanocytes, qui sont les cellules de la pigmentation.
La couleur de la peau
Les mélanocytes sont des cellules d’origine nerveuse, que l’on retrouve dans divers tissus de l’organisme, dont la peau. Ces cellules sont capables de synthétiser des pigments (les mélanines) qui confèrent sa couleur à la peau. Elles jouent un rôle de reconnaissance entre individus et de protection contre les rayonnements ultra-violets. Deux types principaux de pigments sont rencontrés chez les carnivores: les eumélanines (de couleur noire) et les phaéomélanines (de couleur rouge à brun). Ces pigments sont transférés dans les kératinocytes de l’épiderme. La couleur de la peau varie en fonction de la quantité de mélanine stockée dans les kératinocytes. Plus ils contiennent de mélanine, plus la peau est pigmentée et donc résistante au rayonnement solaire. Les pigments mélaniques sont également responsables de la couleur des poils. En vieillissant, les mélanocytes produisent de moins en moins de pigments, ce qui explique le grisonnement du pelage observé chez les animaux âgés.  

Les poils et le pelage

D'où viennent les poils?
Chez le chien, le rôle principal de l’épiderme est de synthétiser les poils. Les poils sont produits par des structures spécialisées, qui correspondent à des diverticules de l’épiderme : les follicules pileux. Les follicules sont des extensions de l’épiderme dans le derme, à la manière de petits sacs.
Le pelage a une importance particulière chez les carnivores car il possède de nombreux rôles (protection, reconnaissance sociale, régulation thermique et organe des sens) et il participe à l’esthétique de l’animal. Les caractéristiques du pelage sont variables selon le standard de la race: court ou long, plus ou moins dense, dur ou soyeux en fonction de la prédominance des poils primaires ou secondaires. Ces variations ont été fixées génétiquement par l'homme.
Le chien présente un pelage composé, c’est à dire qu’il existe plusieurs poils dans un même follicule pileux. Ces poils sont de différents types. Le follicule pileux contient généralement un poil primaire principal (le plus grand), associé à 2 à 5 poils primaires latéraux plus petits et jusqu’à 20 poils secondaires.
Les poils primaires sont les plus grands, il en existe deux types : les poils de jarre et les poils de garde. Les poils de jarre sont rigides, couvrent toute la surface cutanée, et assurent un rôle de protection contre la pluie. Ils sont également responsables de la couleur du pelage. Les poils primaires latéraux (poils de garde) sont modérément souples. Ils ont une orientation différente de celle du sous-poil, ce qui permet une meilleure isolation thermique. Les poils secondaires, plus petits, constituent le duvet ou sous-poil, responsable du maintien de la température. Ils sont fins et souples.
En outre, il existe des poils qui possèdent un rôle spécialisé dans des fonctions sensorielles. Il s’agit des vibrisses présentes sur la face (communément appelées « moustaches »), et des poils tylotriches disséminés sur l’ensemble du corps. Ces poils sont plus grands que les autres, ils possèdent une vascularisation très développée, et jouent un rôle très important dans la vie du chien, notamment pour ses déplacements et dans les fonctions sociales de reconnaissance entre individus.

Comment le poil est-il constitué?
Le poil est formé d'une racine et d'une tige. La racine est située dans la profondeur de la peau et n'est donc pas visible. La tige possède une extrémité libre, qui dépasse de la surface cutanée. Les poils sont constitués par différentes protéines, et notamment par de la cystine. La couche externe du poil, la cuticule, est faite de cellules empilées les unes sur les autres, un peu à la manière de tuiles sur un toit. Ces cellules sont très plates et très adhérentes entre-elles, ce qui confère l'aspect doux et soyeux au toucher. 

Différents types de pelage
En fonction du type de poil prédominant on distingue différents types de pelage. Le Berger allemand représente le pelage classique, car retrouvé par exemple chez le loup ou le chien sauvage. Ce type de pelage présente à la fois des poils primaires et des poils secondaires développés.  Les races à poils  court et dur, comme le Rottweiler ou les Terriers, ont des poils primaires développés mais peu de poils secondaires. En revanche, les races à poil court et fins, comme le Boxer ou le Pinscher présentent de très nombreux poils secondaires mais leurs poils primaires sont de petite taille. Les races à poils longs (Caniche, Bedlington Terrier, Chow-Chow) ont le plus souvent une proportion importante de poils secondaires.

Cycle pilaire
Les poils poussent de manière cyclique. Trois stades successifs sont décrits: une phase de croissance appelée anagène, une phase intermédiaire ou catagène et une phase de repos ou télogène. La durée de la phase de croissance est fixée dans le patrimoine génétique et détermine la longueur finale du poil, qui est variable selon la race, l’individu et la zone corporelle. Des facteurs externes à l'individu (saison, photopériode, alimentation...) et des facteurs qui lui sont propres (hormones, vascularisation, facteurs de croissance) contrôlent le cycle pilaire.
Chaque follicule présente un cycle de croissance indépendant de celui de ses voisins: il existe des mues en « mosaïque », c’est à dire que le renouvellement du pelage a lieu progressivement, et en permanence, dans des zones différentes. Il existe deux mues principales : au printemps (constitution du pelage d’été, moins dense) et en automne (constitution du pelage d’hiver, plus dense). La croissance maximale des poils est observée à la fin du printemps (environ un tiers de millimètre par jour), la croissance minimale pendant l’hiver. Les chiens d’extérieur muent deux fois par an alors que les chiens d’intérieur muent tout le long de l’année car ils sont moins exposés aux variations de photopériode et d'ensoleillement. En été, 30% des follicules primaires et 50% des follicules secondaires sont au repos (c’est à dire qu’ils contiennent des poils morts qui ne poussent plus), alors qu’en hiver, ces pourcentages atteignent 75 et 90%. Ces données, valables pour la plupart des chiens, dépendent cependant fortement de la race. En effet, il existe des races pour lesquelles la phase de croissance du poil est très longue, comme c'est le cas pour nos cheveux. Ces races ont la particularité de devoir être toilettées fréquemment. Il s'agit notamment du Caniche. D'autres races, notamment les chiens nordiques, présentent des phases de croissance courtes. Leurs poils sont très longtemps au repos. Ces chiens ne nécessitent jamais de toilettage (exemple des Huskies).
Dans certaines races, une mue partielle ou complète peut être observée à l’occasion d’une gestation ou d’une lactation : cette chute des poils est normale, on parle d'effluvium.

Les glandes cutanées

Chez le chien, contrairement à l’homme pour qui les glandes aboutissent le plus souvent directement à la surface cutanée, la majorité des glandes de la peau sont associées aux follicules pileux et aux poils. On peut schématiquement distinguer deux principaux types de glandes: les glandes sébacées qui produisent le sébum, et les glandes sudoripares qui produisent la sueur.

Les glandes sudoripares (glandes de la sueur et de l'odeur) sont responsables de la transpiration. Elles permettent, par évaporation, de diminuer la température corporelle. Le phénomène de sudation est peu développé dans l’espèce canine. Il ne participe en effet presque pas à la thermorégulation, qui est principalement assurée chez les carnivores par la respiration. Ceci vous explique que quand votre chien a chaud, il respire très vite pour faciliter l'élimination des calories.
Les coussinets sont une exception. Ils sont caractérisés par un épiderme très épais, au niveau duquel les glandes sudoripares s’abouchent directement. Lors de températures élevées ou lors de stress, on peut donc observer un phénomène de sudation localisé aux pieds. Chez le chien, ces glandes synthétisent également diverses substances odoriférantes, et jouent très probablement un rôle majeur dans l’identification sexuelle.

Les glandes sébacées produisent le sébum. Il s’agit d’une sécrétion riche en graisses qui s’intègre à la couche cornée superficielle. Il joue un rôle de protection et donne sa souplesse à la peau. En outre, le sébum permet de se défendre contre le développement de certains microbes. Le sébum gaine également toute la surface des poils. Il leur donne un aspect lustré et lisse et les protège des agressions extérieures. Les glandes sébacées sont présentes sur toute peau sauf au niveau des coussinets et de la truffe.

Les couches profondes

Le derme
Le derme est le tissu de soutien de l’épiderme. Il s’agit d’une structure complexe, constituée de diverses cellules, qui reposent dans une matrice riche en protéines, en glucides et en eau. Cette matrice filamenteuse est également très riche en vaisseaux sanguins et en nerfs. Le derme constitue la réserve, le support et permet la nutrition de l’épiderme. Sa taille est variable en fonction des localisations (en moyenne il représente 10 à 40 fois l’épaisseur de l’épiderme).
La résistance et l’élasticité de la peau sont assurées par les fibres du derme. Il existe des fibres de collagène, qui forment des cordes assurant la résistance à la traction, et des fibres élastiques, beaucoup moins nombreuses, qui permettent la souplesse et l’élasticité cutanées. L’hydratation du derme est assurée par sa richesse en protéines et en eau.

L’hypoderme
L’hypoderme est la couche la plus profonde de la peau. Elle est principalement constituée de cellules adipeuses, riches en graisses. L’hypoderme sert de réserve aux structures cutanées superficielles et assure un rôle mécanique de support et de protection à la manière d'un coussin amortisseur.

Les nerfs
Il existe de nombreux nerfs qui innervent la peau. Des ramifications nerveuses entourent la base de chaque follicule pileux, leur conférant un rôle important de récepteurs tactiles, surtout développé pour les vibrisses et les poils tylotriches. Les nerfs cutanés permettent ainsi de transmettre la perception des sensations extérieures. Ils jouent également un rôle dans la thermorégulation en faisant varier le diamètre des vaisseaux sanguins.

Les muscles arrecteurs
Les muscles arrecteurs sont des muscles qui s’insèrent sur les follicules pileux. Leur contraction redresse le poil : on parle alors de piloérection, mieux connue sous le nom de « chair de poule ». Ces muscles jouent un rôle important dans la régulation des pertes de chaleur (leur contraction dégage de la chaleur et augmente l’épaisseur entre la surface des poils et celle de la peau), et également dans la vie sociale du chien (les poils dressés font partie du comportement de défense).

Les rôles de la peau

Nous avons vu que la peau est un organe vivant, qui sert d’interface entre le milieu extérieur et l’intérieur du corps. Son premier rôle est d’assurer la forme et la consistance de l’organisme. Mais il ne s’agit pas d’une simple enveloppe inerte. C’est un organe barrière, qui s’oppose aux pertes en eau et en éléments vitaux (électrolytes). C’est un organe de protection contre l’environnement hostile dans lequel nous vivons (pollution, produits chimiques, traumatismes, microbes, rayonnements ultra-violets). Ce rôle de protection est assuré par toutes les structures de la peau : épiderme (kératinocytes boucliers, pigments de mélanine), poils, derme (amortisseur mécanique) et hypoderme (isolement thermique). La peau joue également le rôle d’organe des sens. Elle participe à la thermorégulation et au stockage de diverses substances. C’est un organe de communication (couleur de la peau, couleur et longueur des poils), « miroir de la santé interne ». Enfin, il a été récemment montré que la peau est un organe immunologique au même titre que les ganglions lymphatiques par exemple.

Différences entre la peau du chien et la peau de l’homme

Il existe de nombreuses différences entre le peau du chien et la peau de l’homme. On doit notamment savoir que la peau du chien est plus fine que celle de l’être humain, et qu’elle est nettement moins acide. Ces éléments expliquent que l’utilisation de traitements locaux (notamment crèmes, lotions ou shampooings) doit se faire avec des produits spécialement conçus pour l’espèce canine, et adaptés aux particularités de la peau des carnivores.