Il perd ses poils
Le chien présente un pelage composé, c'est à dire qu'il existe plusieurs types de poils. On distingue les poils primaires de grande taille (poils de jarre) et les poils secondaires (plus petits, ou duvet). En fonction du type de poil prédominant, différents types de pelage peuvent se développer: standard, court, ou long. Les poils sont composés de différents types de kératines. Ils sont synthétisés par une invagination de l’épiderme, le follicule pileux (schéma).
Schéma: représentation schématique de la peau d'un chien
Ils poussent de manière cyclique. Trois stades successifs sont décrits: une phase de croissance ou anagène, une phase intermédiaire ou catagène et une phase de repos ou télogène. Chaque follicule présente un cycle de croissance indépendant de celui de ses voisins: il existe des mues en « mosaïque », principalement au printemps (consitution du pelage d’été, moins dense) et en automne (constitution du pelage d’hiver, plus dense). Des facteurs extrinsèques (saison, photopériode, alimentation...) et des facteurs intrinsèques (hormones, vascularisation, facteurs de croissance) contrôlent le cycle pilaire. La durée de la phase anagène est fixée génétiquement et détermine la longueur finale du poil, variable selon la race, l’individu et la zone corporelle. Chez le Caniche, la phase anagène est particulièrement longue, et on considère que la majorité des poils pousse simultanément. C'est pourquoi, dans cette race, un toilettage fréquent est nécessaire afin de couper régulièrement les poils, et que le Caniche est réputé pour ne pas laisser beaucoup de poils morts (en télogène) sur les moquettes ou les canapés (les phénomènes de mue sont moins visibles dans cette race que dans d'autres.
Toute altération de la structure qui produit le poil, le follicule pileux, toute anomalie au niveau du poil lui-même, tout dérèglement des facteurs qui dirigent le cycle de pousse du poil peuvent être responsables de la chute ou d'une absence de pousse de poil et donc d'une alopécie. Ces éléments expliquent la grande fréquence de ce syndrome chez le chien.
On distingue des alopécies génétiques, que l'éleveur se doit de connaître afin d'éviter la sélection de lignées malades, et des alopécies acquises, qui peuvent avoir des conséquences importantes sur le plan médical, et parfois conduire à la mort de l'animal. Il est également intéressant de distinguer des alopécies liées à une destruction de la tige pilaire, c'est à dire du poil lui-même et les alopécies liées à une anomalie de la structure qui synthétise les poils, les follicules pileux.
Anomalies du follicule pileux
Les hypotrichoses congénitales
Cette maladie est présente à la naissance. Il s'agit d'une anomalie génétique, qui est recherchée dans les races nues.
Plusieurs chiots d'une même portée peuvent être atteints. Les chiots présentent des zones alopéciques de plus ou moins grande taille, au niveau desquelles aucun poil n'est présent. Ces zones alopéciques sont le plus souvent localisées au niveau de la face et de la tête. D'autres animaux naissent avec un poil anormal, qui tombe rapidement, pour laisser place à de larges plaques sans poil.
Aucun traitement n'est disponible. Il semble que dans certains cas les poils poussent spontanément après quelques semaines d'évolution.
Les dysplasies folliculaires
Dans ce cas de figure, c'est le follicule pileux qui est anormal. Sa structure et/ou son fonctionnement sont perturbés, ce qui conduit à la synthèse de poils anormaux, tordus, fragiles, facilement cassés, qui s'épilent ou tombent anormalement.
Cliniquement on observe dès la puberté des poils fins et laineux: l’animal garde son poil de jeune. Le pelage est terne et de mauvaise qualité. Puis une chute de poil survient d’abord au niveau des zones de frottement, puis a tendance à se généraliser. Les poils s’arrachent par touffes. La peau sous-jacente semble normale, mais peut, après plusieurs mois d’évolution, se pigmenter et s’épaissir.
Le diagnostic est fait par biopsies cutanées en comparant l’aspect des poils en zone atteinte et en zone saine. Il n’existe pas de traitement spécifique; on peut améliorer l’aspect du pelage en utilisant des shampooings et des émollients.
Un type particulier de dysplasie folliculaire non liée à la couleur est décrit sous le terme d’alopécie récurrente des flancs. Il s’agit d’épisodes cycliques de chute des poils localisés sur les flancs, prenant un aspect typique de « carte de géographie ». Les mâles et les femelles peuvent être atteints. Le diagnostic nécessite des biopsies. Le pronostic est généralement bon en début d’évolution, car les poils repoussent spontanément après quelques semaines d’évolution. Cependant la dermatose a tendance à récidiver tous les six mois et les poils repoussent de moins en moins. La peau sous-jacente est alors hyperpigmentée et épaissie. Aucun traitement n’est réellement efficace à l’heure actuelle mais des études prometteuses sont en cours.
Enfin, la dysplasie folliculaire des poils noirs est caractérisée par une atteinte exclusive des poils noirs chez certains chiens prédisposés. Cette dermatose est fréquente chez le Dobermann mais a été décrite dans un grand nombre d’autres races. Les poils atteints sont petits, se cassent facilement, et on observe une alopécie épargnant les zones blanches du pelage. La peau présente des pellicules en grand nombre et des comédons, parfois des taches hypopigmentées assez évocatrices. Le diagnostic se fait par biopsies. Aucun traitement n’est disponible à l’heure actuelle. On ignore encore le mécanisme d’apparition des lésions, mais une anomalie génétique située sur un gène proche du locus de dilution est probable.
Les dysendocrinies
Ces maladies signent un trouble hormonal. Il s'agit de maladies générales, pour lesquelles l'atteinte cutanée n'est qu'une des manifestations cliniques. On en distingue plusieurs types, en fonction de la glande atteinte.
Le syndrome de Cushing correspond à une anomalie des hormones surrénaliennes (synthétisées par les glandes surrénales). Il existe alors un excès de cortisone dans l'organisme, d'origine interne (syndrome de Cushing spontané) ou lié à une administration médicamenteuse (syndrome de Cushing iatrogène). Nous reviendrons dans un prochain numéro de la Lettre du Chien sur cette dysendocrinie. Il est toutefois important de savoir que dans la race Caniche le syndrome de Cushing spontané est assez fréquent, et souvent lié à une anomalie localisée dans le cerveau, chez un chien âgé. Les symptômes regroupent des signes généraux (fatigue, augmentation de la soif, boulimie) et des signes dermatologiques. Au niveau cutané, on observe un amincissement de la peau et une chute des poils, souvent symétrique, localisée initialement au niveau des flancs. On peut également observer des comédons et parfois des plaques inflammées. Le diagnostic nécessite la réalisation de plusieurs prélèvements sanguins avec des dosages hormonaux. Le traitement est variable en fonction de la cause, et le pronostic est parfois réservé: même bien traités, les chiens atteints survivent rarement plus que quelques années.
L'hypothyroïdie est rare. Il s'agit d'une anomalie de la glande thyroïde, avec absence ou baisse de la synthèse des hormones thyroïdiennes. Le tableau clinique regroupe une fatigue, une obésité et une chute de poils, d'abord localisée au niveau des zones de frottement, comme le cou (port du collier), les faces latérales du thorax et des flancs. Les poils sont de mauvaise qualité et s'épilent très facilement. Il existe souvent en outre la présence d'une peau sèche avec de nombreuses pellicules disséminées. Le diagnostic se fait par prises de sang. Le pronostic est en règle générale bon, car les animaux répondent bien à une supplémentation en hormones thyroïdiennes, qui n'est pas néfaste à long terme.
Les dysendocrinies sexuelles sont liées à des anomalies du fonctionnement des ovaires chez les femelles ou des testicules chez les mâles. Les symptômes généraux sont le plus souvent présents, avec troubles de la libido, féminisation pour les mâles, pénis pendulaire, etc... Les anomalies cutanées sont peu spécifiques, avec chute des poils et présence de pellicules. Le diagnostic se fait par prises de sang et bilans endocrinologiques, éventuellement par examen de biopsies des ovaires ou des testicules, mais surtout par la réponse au traitement après la stérilisation.
Les autres dysendocrinies sont plus rares et moins bien connues.
Nous classons ici l'effluvium télogène, bien qu'une anomalie hormonale soit peu probable dans cette entité. Il s'agit d'une chute synchronisée de poils sur de larges zones, liée à un évènement stressant pour l'animal. Le plus souvent, on observe cette chute de poils quelques semaines après une maladie ou une gestation. Le pronostic est excellent, car la repousse est spontanée et rapide après la chute.
Les alopécies inflammatoires
Dans ce cas de figure, il existe une inflammation centrée sur le follicule pileux, avec anomalie du fonctionnement de ce dernier, et synthèse de poils anormaux.
Les principales inflammations sont liées à la présence d'agents infectieux dans le follicule (bactéries, parasites, champignons). Ces agents infectieux sont également à l'origine d'une destruction directe des poils et elles sont traitées plus loin dans les anomalies de la tige pilaire.
Il existe des inflammations localisées au niveau du follicule. C'est le cas de la leishmaniose, des adénites sébacées et de la pelade.
La leishmaniose est une maladie circumméditéranéenne, due à l'infestation par un protozoaire Leishmania infantum, transmis par un petit moucheron (par piqûre). Les lésions sont très protéiformes, avec atteinte de l'état général, insuffisance rénale et symptômes cutanés. Ces derniers consistent en une chute des poils en plage, associée à la présence de grandes pellicules adhérentes. Le diagnostic fait appel à divers prélèvements, éventuellement sanguins. Le traitement est long et onéreux.
Les adénites sébacées granulomateuses regroupent plusieurs entités, mal connues chez le chien. Il existe une prédisposition de certaines races: Akita, Vizla et Caniche royal. Il pourrait s'agir d'une maladie à médiation immunologique ou d'un trouble génétique. On observe une destruction des glandes sébacées, à l'origine d'un défaut de production de sébum, qui est un composant important de la peau. En effet le sébum contient de nombreux lipides, qui s'intègrent dans les couches les plus superficielles de la peau. Il permet d'assurer un rôle de barrière (en empêchant la pénétration dans l'organisme des agents extérieurs et en diminuant les pertes d'eau) et donne sa souplesse à la peau et un aspect brillant aux poils.
Le diagnostic nécessite la réalisation de biopsies cutanées par le vétérinaire. Le traitement est dans l'ensemble assez décevant. Différentes molécules administrées par voie générale permettent parfois de provoquer une repousse pilaire. Les traitements locaux, sous forme de shampooings principalement, sont également bénéfiques.
La pelade est une maladie très rare chez le chien, caractérisée par une destruction des parties profondes des follicules. On observe une chute des poils initialement localisée au niveau de la face. Il n'existe pas d'inflammation de la peau. Le diagnostic nécessite la réalisation de biopsies. Il n'existe pas de traitement, car en général la repousse est spontanée.
Des cas d'alopécie liées à des injections ont été rapportées et semblent de plus en plus fréquentes en Amérique du Nord. Heureusement, ce type de dermatose est très rare voire exceptionnel en Europe. On suppose que le produit injecté est à l'origine d'une réaction anormale de l'organisme, avec apparition d'une inflammation, qui soit détruit directement le follicule pileux, soit détruit les vaisseaux sanguins dans la peau, ce qui prive les follicules pileux de leur source de nutriment et conduit à leur atrophie.
Les alopécies par anomalie de la tige pilaire.
La tige pilaire peut être cassée à cause d'un traumatisme ou être détruite par un agent infectieux.
Les alopécies traumatiques sont liées aux lésions que l'animal s'inflige en se mordillant, en se léchant ou en se grattant. Elles sont le plus souvent rencontrées chez des chiens allergiques ou qui souffrent d'une ectoparasitose (gale sarcoptique, cheyletiellose par exemple). Il existe une forme rare d'alopécie traumatique liée à l'action directe de l'homme: l'alopécie de traction. Dans ce cas de figure, c'est le propriétaire qui en tirant trop souvent les poils les arrache et les casse. On rencontre cette maladie chez des chiens qui portent des barettes ou qui sont trop souvent et énergiquement toilettés.
Les alopécies infectieuses sont liées à la présence dans le follicule pileux de microorganismes ou de parasites qui prolifèrent dans cet environnement humide et chaud et qui synthétisent des substances détruisant le poil. Il s'agit principalement des démodex, des staphylocoques et des dermatophytes, agents des teignes